Le projet SentiMus

L’exposition aux divers polluants est un problème majeur en termes de santé publique, mais l’étude du lien entre exposition et conséquences sur les individus, à différentes échelles de temps, sont difficiles dans les populations humaines. L’idée centrale de SentiMus est de tester si la souris domestique, étroitement associée aux habitats humains depuis des millénaires, pourrait constituer une « sentinelle » pour :

  • mesurer l’exposition aux polluants
  • évaluer son coût physiologique et phénotypique
  • étudier d’éventuelles réponses évolutives potentiellement détectables chez ce mammifère au temps de génération bien plus court que celui de l’Homme

SentiMus intègre un large spectre de compétences, allant d’approches fondamentales à des problématiques plus appliquées : écologie et évolution, toxicologie, métabolisme, modélisation paysagère, étude de la fertilité… Ces différents axes de recherche s’articulent autour d’un échantillonnage commun dans la zone de Lyon et de sa Métropole.

  • Caractérisation de l’exposome chimique. Les cartes modélisant la distribution géographique des différents types de polluants (urbains, industriels, agricoles) serviront à identifier des sites cibles où collecter des souris. Sur celles-ci, l’exposition aux différents agents polluants sera évaluée et comparée aux attendus basés sur les modèles. La comparaison permettra d’établir dans quelle mesure les souris sont en effet des « sentinelles » pertinentes de l’exposition des populations humaines alentours. Les éventuels écarts, contextualisés dans la matrice paysagère, donneront des pistes sur les facteurs qui pourraient moduler les effets de l’exposition « théorique » sur les populations locales, murines comme humaines.
  • Signature génomique de l’adaptation. Le génome complet de souris issues de populations très contrastées en termes d’exposition aux polluants seront analysés afin de préciser les zones du génomes localement soumises à forte sélection, et ainsi didentifier les voies potentiellement sévèrement impactées par les composantes de l’exposome. Ces résultats seront croisés avec des cartes historiques de pollution, permettant d’envisager les conséquences adaptatives d’une exposition prolongée. Une approche de génomique du paysage viendra compléter ce volet, afin but de comprendre les déplacements sont conditionnés par des éléments du paysage, et comment ces échanges peuvent favoriser ou freiner l’adaptation aux conditions locales d’exposition.
  • Coût physiologique et phénotypique de l’exposition aux polluants. Les souris collectées seront soumises à une batterie d’analyses diversifiées visant à documenter un spectre large de traits potentiellement impactés par l’exposition aux polluants : hématologie, biochimie et hormones par des analyses sanguines, métabolisme, énergétique mitochondriale et stress oxydant, mais aussi qualité de la minéralisation osseuse. Ces analyses permettront de commencer à évaluer le coût de l’exposition aux différents polluants en conditions réelles.
  • Polluants et fertilité. Un focus sera fait sur l’impact possible de l’exposition à la pollution sur la fertilité. La qualité spermatique sera évaluée chez des souris prélevées dans des contextes d’exposition contrastés ; ces résultats seront croisés avec la distribution géographiques des demandes de FIV afin d’amorcer une ouverture de l’approche « souris sentinelle » vers les problématiques de santé humaine.

Virginie LATTARD

Virginie Lattard est directrice de recherche à l’INRAE et responsable du laboratoire RS2GP/VetAgro Sup (« Rongeurs Sauvages – Risques Sanitaires et Gestion des Populations »). Vétérinaire de formation, elle s’est spécialisée en toxicologie et écotoxicologie. Elle est reconnue pour son expertise sur les anticoagulants rodenticides, une catégorie de biocides utilisés pour la lutte contre les rongeurs. Ses travaux portent sur les mécanismes de persistance tissulaire de ces molécules, l’évaluation de l’exposition de la faune sauvage non-cible, ainsi que sur l’identification des voies de contamination. Elle développe également des stratégies visant à réduire leur empreinte environnementale, en conciliant efficacité de la lutte et préservation de la biodiversité.

Sabine RENAUD

Sabrina Renaud est directrice de recherche au CNRS, dans le Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive. Elle est spécialiste de l’évolution des structures morphologiques impliquées dans la nutrition, telles que la mandibule et les dents, en lien avec l’adaptation aux conditions locales de ressources. Ses travaux se déclinent à différentes échelles de temps et d’espace, en intégrant l’étude de populations fossiles et actuelles. Ses modèles de prédilection sont les rongeurs et la souris domestique en particulier. Ces dernières années, elle s’intéresse particulièrement à la relation entre les mutations de l’habitat anthropique et la réponse adaptative des populations murines.

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