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Intermède. nom masculin

Ce qui interrompt un processus, une activité.

Bioqualim qu'est-ce que c'est ?

C’est un projet qui s’inscrit dans un programme de recherche plus large « agriculture-nutrition-santé » ; BIOQUALIM s’intéresse aux protéines végétales et plus particulièrement aux trois espèces d’épeautre (petit épeautre, moyen épeautre, grand épeautre). Il est constitué de quatre axes :

  •  une étude des caractéristiques nutritionnelles de plusieurs variétés de chacune des 3 espèces d’épeautre.
  • une étude clinique exploratoire réalisée sur des sujets sains. Les participants modifieront leur régime alimentaire, ils diminueront de moitié leur consommation de viande pendant 3 mois et mangeront 100 grammes de petit épeautre cuit par jour. 
  • une enquête sur les habitudes alimentaires et sur les connaissances des aliments riches en protéines végétales.
  • une étude psycho-sociale réalisée avec des sujets en post-traitement de cancer. Les participants apprendront à cuisiner des plats à base de l’une ou l’autre des 3 espèces d’épeautre lors d’ateliers culinaires. L’objectif étant de leur redonner envie de cuisiner, de leur faire découvrir des recettes très variées et d’évaluer leurs changements de comportement culinaire.

Qui sont les sujets et qu'allez-vous étudier ?

Le groupe de participants à l’étude clinique sera constitué de personnes âgées de 30 à 55 ans. Les végétariens sont exclus du panel car l’on souhaite étudier les effets du  petit épeautre sur les consommateurs de viande. Nous allons faire des prélèvements interdentaires sur les sujets à T-0 (avant l’étude), à T-1 (1 mois d’étude) et à T-3 (3 mois d’étude). On va analyser les bactéries contenues dans ces prélèvements et  plus particulièrement l’évolution de 4 bactéries qui sont connues pour être des facteurs de risque de cancer. Cela nous permettra de voir si le fait de manger du petit épeautre, fait varier ou non le microbiote oral. On va également observer l’évolution de leur état de santé général. Cette étude clinique est très originale car l’effet de l’épeautre sur le microbiote oral n’a jamais été étudié jusqu’à présent.

Comment avez-vous rencontré vos co-porteuses ?

Je connaissais Audrey Ringot (Cheffe de projets santé publique – HCL), car nous avions déjà travaillé ensemble sur des Appels à projets. Lorsque Audrey a changé de labo, elle a rencontré Florence Carrouel, spécialiste du microbiote oral, que je ne connaissais pas du tout. Florence avait envie de s’ouvrir à des thématiques en lien avec l’environnement et de fil en aiguille, elle a rejoint le projet BIOQUALIM par l’intermédiaire d’Audrey.

Au début, on ne savait pas exactement dans quelles directions on allait orienter le projet. J’avais envie qu’il y ait une étude à l’hôpital sur les apports santé de l’épeautre, mais quoi ? Je ne pouvais pas le savoir exactement, puisque je ne suis ni médecin, ni biologiste. C’est quand on s’est rencontrées la première fois, en décembre 2022, que les choses se sont progressivement mises en place.  Je leur ai présenté nos travaux sur les différentes espèces d’épeautre, avec des études préliminaires sur les protéines du gluten et quelques analyses, puis on s’est revu plusieurs fois pour approfondir les différents axes du projet et on a finalement déposé le projet en juin 2023.

Quelle a été votre motivation principale lorsque vous avez démarré ces recherches ?

Lorsque j’ai pris conscience de l’ampleur du désastre écologique et de l’urgence d’agir, je me suis questionnée vis-à-vis de mes recherches d’alors qui étaient dans le domaine du diagnostic biologique et de l’imagerie. Différentes conférences et documentations m’ont permis de comprendre qu’il y avait des risques par rapport à l’alimentation non seulement dans le monde, mais également en France. J’ai réalisé combien il était important de travailler pour la biodiversité cultivée, car le nombre de variétés cultivées a fortement décliné ces 100 dernières années, entraînant un risque pour la santé de la population. De plus, il est urgent d’acclimater de nouvelles variétés face aux changements climatiques. Certaines espèces ne pourront plus pousser  ou verront leurs rendements fortement baisser. Enfin, les terres cultivées en agriculture intensive sont épuisées d’où la nécessité de trouver des variétés adaptées à l’agriculture biologique.

J’ai ensuite cherché à rencontrer d’autres personnes (scientifiques et acteurs de terrain) sensibilisées par les questions d’écologie et petit à petit, j‘ai eu envie de travailler non pas pour détecter les maladies chez les gens mais plutôt pour éviter que les gens ne tombent malades. C’est ce qu’on appelle la prévention primaire ; l’approche que j’ai choisie étant  la prévention en santé humaine par une alimentation saine. Les aspects alimentation et biodiversité m’intéressaient et c’était cohérent d’envisager les choses de manière très transversale : agriculture-nutrition-santé.

Pourquoi les épeautres ?

Je savais que ce type de céréale avait beaucoup d’avantages en agronomie, en nutrition et en santé par les retours d’une amie naturopathe spécialisée sur les épeautres.

Puis, mon idée c’est précisée lorsque Olivier Hamant, biologiste des végétaux à l’ENS de Lyon, m’a confirmé « l’épeautre est un très bon modèle pour étudier de manière transversale : agriculture, nutrition et santé. » C’est pourquoi j’ai décidé de commencer par des études sur les différentes espèces d’épeautre.

Séance de décorticage de moyen épeautre
Photo Eric Le Roux / Université Claude Bernard Lyon 1

Quelles sont les difficultés liées à la nature de votre métier?

La recherche peut être stressante à certains moments parce que parfois pendant des mois on ne comprend pas ce qu’il se passe, on ne voit pas clair du tout dans ce que l’on obtient, on ne comprend pas, ça ne semble pas logique. Et donc on parle de la déprime du chercheur. Charles Darwin a dit « un mathématicien est un aveugle qui, dans une pièce sombre, cherche un chat noir qui n’y est pas ».

Cela fait aussi partie du travail de chercheur de ne pas avancer, d’avoir l’impression de tourner en rond. On peut faire beaucoup d’efforts et ne pas avoir de résultats cohérents pendant plusieurs mois, c’est ça qui est déprimant. Donc, il faut lire de la bibliographie, regarder si d’autres personnes ont fait des choses un peu similaires dont on peut s’inspirer. Une autre difficulté est de devoir souvent répondre à des appels à projets afin de pouvoir financer nos recherches. 

Poster Bioqualim

Résumé illustré du projet Bioqualim, ce poster scientifique a été présenté lors de la journée annuelle SHAPE-Med du 22 mai 2024.

Quelle personnalité vous a inspiré ?

En 2015, j’ai amorcé un changement  personnel qui est ensuite devenu professionnel. À cette époque, j’ai vu un documentaire sur Pierre Rabhi qui expliquait toute son œuvre. J’ai trouvé très intéressante, la vie de cette personne revenue à la terre en Ardèche. Il avait développé des méthodes d’agroécologie pour cultiver sur une terre pas du tout fertile, très sèche et il avait planté de nombreux arbres en utilisant non pas des engrais chimiques mais le fumier de son petit troupeau de chèvres. Et en plus, il organisait des formations pour transmettre aux autres tout ce qu’il avait observé. Ce documentaire m’a beaucoup impactée et a amorcé ma prise de conscience.

Quelle est votre chanson ou artiste du moment ?

Je n’écoute pas de musique en travaillant, parce que je ne suis pas quelqu’un de multitâches. Mais chez moi, ces derniers temps, j’ai écouté de la musique corse parce que j’ai fait un stage de chants corses pendant les vacances.

Donc, je dirais les chants corses de XINARCA, il chante des chants traditionnels des bergers dans la montagne.

Portraits des épeautres

Les différentes espèces d’épeautre sont des céréales ancêtres des blés actuels :

  •  le grand épeautre est l’ancêtre du blé tendre (qui sert à faire le pain) et le moyen épeautre est l’ancêtre du blé dur (qui sert à faire les pâtes). Il existe également le petit épeautre.
  • Leurs grains sont entourés d’une glume dure et adhérente (enveloppe du grain) qui ne part pas lors du battage (c’est pourquoi on les appelle aussi « blés vêtus »).
  • Les épeautres demandent donc un travail supplémentaire de décorticage avant mouture.
Différentes variétés de moyen épeautre
(amidonnier, ou farro en italien)
Différentes variétés de blé commun (ou blé tendre)
Variété Oberkülmer de grand épeautre

Les épeautres au cœur du projet Bioqualim

Pour l’étude agronomique, (la culture s’est faite les années précédant le démarrage de BIOQUALIM) différentes petites parcelles  ont été cultivées par Sofia Correa, doctorante, dans un conservatoire de semences, le CRBA (Centre de Ressources de Botanique Appliquée) sur la commune de Charly à 15 km de Lyon. Les  récoltes sont locales et composées de 30 variétés choisies de blés vêtus : 10 de petit épeautre, 10 de moyen épeautre et 10 de grand épeautre, en comparaison à une dizaine de variétés de blé tendre. La quantité récoltée sur chaque parcelle étant insuffisante pour un décorticage industriel, ce dernier doit être fait à l’aide d’un petit moulin de laboratoire et le tri à la main !

Les étapes du décorticage :

  • On passe l’épeautre au « moulin » pour enlever un maximum de glumes
  • On trie à la main pour séparer les grains de leurs glumes
  • On collecte les grains pour des analyses ultérieures ou pour une utilisation en atelier culinaire
  • On peut éventuellement conserver les glumes pour une réutilisation éthique (dans un coussin, par exemple)

Photo Eric Le Roux / Université Claude Bernard Lyon 1

Portrait du microbiote oral

microbiote

Le microbiote oral en bref

  • L’ensemble des micro-organismes présents dans la bouche des humains
  • Un écosystème composé de bactéries, de virus, de levures, de champignons…
  • Un système de protection naturel contre les germes pathogènes
  • Le microbiote est fragile, il peut être déséquilibré par des éléments extérieurs : tabac, aliments sucrés, bains de bouche, antibiotiques, mauvaise hygiène, etc…

Son rôle

  • Créer une barrière protectrice contre les agents pathogènes
  • Limiter la croissance de bactéries nuisibles
  • Réduire le risque de maladies et d’infections buccales

Comment en prendre soin ?

  • Avoir une bonne hygiène buccale (se brosser les dents,…)
  • Avoir une alimentation équilibrée
  • Éviter le tabac et l’alcool en excès
  • Consulter son dentiste régulièrement

Nous allons suivre Bioqualim tout au long de leur projet et nous aurons l’occasion de vous présenter leurs avancées lors de nos prochaines rencontres avec les porteuses. Suivez-nous pour ne rien rater !

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